Résumé de l’épisode précédent : Après un voyage très arrosé, la voiture de Dan touche au but…

LA DER DE DAN

texte : Blanche HERROUGE – photos : Diane AGASSAN

Deuxième épisode : Cuisine et dépendance

Sur le bord de la route, les tournesols inclinaient la tête vers le sol dans un parfait mouvement d’ensemble. Cédaient-ils à la fatalité de la disparition de l’astre du jour, englouti par un océan de nuages à l’écume menaçante ? Ou manifestaient-ils ainsi tout leur respect au passage du vénérable dieu barbu de la gymnastique parisienne ? Dan semblait être peu sensible à cette déférence toute végétale. Il restait exclusivement attentif aux indications fournies par l’appareillage électronique de bord : pas moins d’un GPS et de deux téléphones à sa disposition ! Tout juste avait-il constaté l’absence de relief dans cette partie du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine. La circulation y était aussi fluide que le climat du jour. Posée sur l’horizon, la haute flèche de l’église de Chemellier ne s’en détachait que mieux. Pas le temps d’y arpenter le chemin de croix d’Henri Bouriché, gloire locale du XIXème siècle. Mais c’était bien la rue portant le nom de ce sculpteur qui marquerait le terme de celui de Dan pour ce premier jour.

Tandis que la technique commençait à balbutier son orientation, sans doute étourdie par l’absence de repères familiers dans cette étendue champêtre, un Christ rédempteur et secourable surgit sur le bas-côté. Etendant ses bras de pierre, dans un geste d’accueil aussi fraternel qu’ éternel, il signifiait l’imminence de l’arrivée au Paradis…

Le logis des grainetiers était une massive bâtisse de tuffeau dont le toit d’ardoise s’accordait parfaitement avec le gris du ciel. De l’activité céréalière passée à laquelle elle devait son nom, il ne restait que peu de traces. En l’approchant, Dan ne moulina donc que le gravier de l’allée et n’eut pas à se garer en épi.

 

Une silhouette se découpa dans l’encadrement de la porte. Soulagée de ne voir aucun chien se précipiter vers elle, Marie sortit courageusement de la voiture pour la héler : « Bonjour Madame ! » La femme s’avança, ses traits se firent plus précis. Celle qu’elle avait pris pour Chantal, la propriétaire, n’était autre que… son amie Mélanie, compagne de tant d’aventures sportives dans un passé très récent ! Cette méprise déclencha aussitôt un grand éclat de rire collectif, première manifestation de la bonne humeur qui allait illuminer ces trois journées.

Alors que Marie s’apprêtait, à l’instar de son père, à effectuer un dernier tour de plateau, Mélanie avait déserté les praticables depuis déjà quelques années. S’étant éloignée de la capitale pour se consacrer désormais à sa petite famille, elle avait tenu à garder une place pour la Gaga, y occupant toujours depuis sa retraite sportive le poste de trésorière. Pour ce weekend très particulier, elle s’était chargée du ravitaillement et avait déjà investi les lieux, devançant ainsi Dan qui ne lui en tint pas rigueur, bien au contraire.

Ce n’était un secret pour personne, la deuxième grande passion de Dan était manifestement la gastronomie. La maison comportait plus de pièces qu’un plan de Cluedo, mais la première qu’il visita était la bonne. Il prit position devant le grand autel de la cuisine, suivi par quelques disciples prêts à écouter sa bonne parole. Dans un état proche de la transe, tous psalmodiaient en choeur en répétant les gestes du maître : « Un oignon, de l’agneau, du poivron rouge, de l’agneau, une tomate jaune, de l’agneau, du poivron vert, de l’agneau, une tomate rouge, de l’agneau, du poivron rouge, de l’agneau, un oignon ». Les brochettes s’empilaient par dizaines, chacune respectant scrupuleusement cet algorithme à l’appétissante symétrie. Succédant à l’ovin, le poulet fut soumis dans la foulée à la même litanie. Puis, d’un geste empreint de générosité, Dan pratiqua l’onction finale, après avoir subtilement mêlé huile d’olive, miel, piment d’Espelette, citron et sauce soja. La soirée du lendemain prenait déjà bonne tournure.

 

Mais pour l’heure, c’était un buffet participatif qu’avaient concocté les convives de ce premier dîner. Deux nouvelles voitures avaient conduit à bon port Pascal, les deux Valérie, Vanessa, Morgane, Oriane, Dominique, Noémie et Evna. Quatre tables accolées avaient été dressées, presque perdues dans l’immensité de la salle de réception et autour desquelles avaient pris place les quatorze présents.

Ce repas partagé en petit comité vit défiler quelques bonnes bouteilles de Bandol, de mousseux et autre limonade. Etait-ce leur effet conjugué à la fatigue du voyage ? Quand se présenta la farandole des desserts, l’ambiance était devenue très feutrée. Même Dominique paraissait plus muette qu’un moine bénédictin…

Mais le silence qui avait progressivement envahi l’espace s’effrita soudain quand Dan s’écria : « Ah non, ne commencez-pas, j’en ai ras-le-bol ! »

Notre héros s’adressait-il à des guêpes qui tournaient autour de son verre ? Dominique était-elle victime d’une crampe de la mâchoire ?

Vous le saurez sans doute dans le troisième épisode de LA DER DE DAN .

A suivre…