Résumé de l’épisode précédent : Après une préparation sans faille, gymnastes et supporteurs de la Gaga entrent doucement dans la compétition.

LA DER DE DAN

texte : Blanche HERROUGE – photos : Diane AGASSAN

Sixième épisode : Des modes et des mots

Naguère, une manifestation incontournable accompagnait chaque championnat fédéral par équipes : les délégations défilaient en cortège multicolore et sonore dans les rues de la ville organisatrice, saluées par les populations locales en liesse. Quelques lustres auparavant, les associations venues de tout le pays se différenciaient uniquement par un écusson cousu sur leur ensemble virginal et uniforme. Les photographies prises au fil des décennies témoignaient néanmoins d’un raccourcissement constant des jupes blanches imposées, passant du mi-mollet d’avant-guerre, à la mi-cuisse d’après-libération. Cette évolution était probablement liée à la crise du textile.

Voici une quarantaine d’années, quelques badauds mal informés pouvaient entonner en bordure du parcours le refrain poétique chanté alors par le très féministe Pierre Perret : « Regardez les majorettes passer, elles z’ont pas un poil de trop sur les gambettes… ». A la Gassendiana, Germaine Maillot, alias Mémaine, icône historique de la deuxième moitié du vingtième siècle, veillait à tout, y compris à la longueur de jambe apparente de ses protégées. A ce propos, si son patronyme avait été immortalisé par un trophée récompensant les poussins parisiens, certains se plaisaient à penser qu’il était également à l’origine de l’expression utilisée communément par les esthéticiennes : « Je vous fais le maillot ? ». Allégation certes poilante, mais quelque peu fantaisiste selon Dan…

Il était en revanche certain d’avoir bien connu Dominique dans cette tenue estivale de festival. Leur fille Marie trouvait l’occasion idéale pour adresser un clin d’oeil à la genèse de sa famille : elle avait récupéré à cet effet une collection de jupettes d’époque qu’elle comptait bien faire porter à ses partenaires. Hélas, certaines s’avérèrent trop étroites pour être enfilées, ayant très certainement rétréci au lavage. Piquée au vif, Marie s’en était allée, de fil en aiguille, dans une mercerie pour y quérir quelques mètres de rubans rouges et blancs.

C’est ainsi que l’ornement capillaire de l’équipe, habituellement composé d’un savant assemblage de barrettes et chouchous fixé par un nuage de laque, se trouva cette fois-ci complété par un flot bicolore très vintage. Quand toutes les têtes furent enfin apprêtées, Dan referma son magazine automobile et commença à égrener sa liste alphanumérique : « Laure 1, Vanessa 2… ». Mélanie s’efforçait d’immatriculer au fur et à mesure chaque équipière, en inscrivant sur le dos d’une main son numéro personnel et sur l’autre le 56 attribué à la Gaga. L’écriture sur peau crémée n’était pas des plus aisées, mais le feutre tint jusqu’au bout malgré quelques glissades.

Comme Obélix en quête d’une rasade de potion magique, Evna avait bien tenté de s’immiscer discrètement dans la file. Elle manifestait ainsi son impatience à retrouver le parfum de la compétition, après la grave blessure de début d’année dont elle se remettait degré après degré. Elle n’eut pas besoin d’appuyer son regard de biche attendrissante pour obtenir un n°12 d’honneur bien mérité par son soutien constant. Elle en donna une nouvelle preuve, offrant en retour à chaque fille une bise et un câlin d’encouragement.

Après contrôle des licences, le tampon officiel fut appliqué sur les onze poignets, validant ainsi autant de passeports pour le championnat. Profitant de l’échauffement individuel, Dan remplit avec soin les bordereaux de passage édités par l’organisation, s’appuyant sur les dossiers sortis de ses classeurs. En avait-il vraiment besoin, tant il avait mûrement réfléchi chaque détail ? A vrai dire, il aurait pu se passer de ses fiches qu’il connaissait quasiment par coeur, mais leur présence était de nature à rassurer le groupe maintenant réuni autour de lui.

Le briefing d’avant-match fut comme toujours sobre et précis. Dan indiqua tout d’abord à chacune auprès de quel jury elle devrait se présenter, agrès par agrès. Il avait effectué sa répartition en tenant compte des degrés présentés et d’autres facteurs plus psychologiques dont sa longue expérience avait forgé patiemment la maîtrise. Il insista sur l’importance de bien entrer dans la compétition dont le ton serait donné par le passage initial à la poutre. Il apporta enfin la touche positive indispensable en évoquant l’excellente prestation d’ensemble récemment proposée à l’Isle-Adam.

Sa main de fer serrée acheva de galvaniser les aînées qui l’encerclaient, unies : « Allez, on se défonce ! » Puis, de son gant de velours, il caressa leur mental : « Soyez belles… mais vous n’avez pas beaucoup d’efforts à faire ! » Un frisson de plaisir énergisant parcourut les justaucorps, plus brillants que jamais.

Sa conclusion avait également provoqué un long soupir de contentement collectif. Ravi de cet effet, Dan se leva et se mit résolument en marche, suivi de toute la troupe rouge et blanche.

Notre héros atteindra-t-il le grand hall, but de cette randonnée, sans GPS ? Angers est-elle naturellement épanouissante comme le proclame le placard de l’entrée ? Vous le saurez sans doute dans le septième épisode de LA DER DE DAN .

A suivre…