Résumé de l’épisode précédent : Vendredi soir. C’est la fin du premier dîner au logis des grainetiers.
LA DER DE DAN
texte : Blanche HERROUGE – photos : Diane AGASSAN
Troisième épisode : Hommage ou dessert ?
Dan était tiraillé par des sentiments contradictoires. Sa pudeur naturelle lui interdisait en effet de s’avouer touché par les nombreuses marques de reconnaissance qui avaient émaillé sa dernière année d’activité. Il était même parfois gêné de voir se développer autour de lui ce qu’il considérait comme un véritable culte de la personnalité. C’était selon lui l’apanage d’un gourou, voire d’un dictateur, bien loin de la discrétion efficace avec laquelle il avait toujours mené sa mission d’entraîneur. Mais depuis plusieurs mois, il ne risquait pas de passer inaperçu dans les salles de l’Hexagone, ses groupies arborant fièrement son effigie sur la poitrine à l’occasion de toute manifestation publique. Plus connu que le Che, le Dan !
Son trouble avait atteint son paroxysme trois semaines plus tôt à L’Isle-Adam, en conclusion du Régional Aînées. En cette fin de journée dominicale, les juges s’étaient tous regroupés derrière une banderole blanche sur laquelle s’inscrivait un slogan en lettres rouges : TOUS GAGA DE DAN. Catherine, elle-même juge, était à l’origine de cette déclaration d’amour collective. Ne s’arrêtant pas là, elle avait aussi contacté en grand secret tous les clubs d’Ile-de-France pour leur soumettre une proposition aussi spectaculaire qu’inattendue ! C’est ainsi qu’une centaine de gymnastes en rouge et blanc s’étaient alignées face à Dan pour une longue ovation debout. Elles avaient ensuite complété cet hommage par l’exécution de leur mouvement d’ensemble, qui est à la FSCF ce que la danse d’honneur est au Pays Basque, ce qui n’est pas peu dire.
Son compagnon de toujours, Claude Piard, avait eu le bon goût de s’installer à ses côtés pour l’épauler dans cette inconfortable position de l’homme seul sur lequel tous les regards sont braqués.
Dan avait tenté de rester impassible, mais ceux qui le connaissaient bien avaient pu percevoir à cet instant une incontestable élévation de son rythme cardiaque…
Aussi ce soir, quand Laure lui avait tendu un paquet avec la timidité d’une petite fille qui va dire un compliment, il avait tangué entre deux réactions. Toute sa vie durant, il avait donné sans compter ni rien attendre en retour. Sa plus belle récompense ? Que chaque gymnaste donne le meilleur d’elle-même pour elle, l’équipe et le club. Mais au fil de ces derniers mois, il s’était peu à peu fait à l’idée qu’il était important de savoir aussi recevoir les petits cadeaux qui lui étaient offerts avec grand coeur.
C’est pourquoi la façon presque molle avec laquelle il avait prononcé cette phrase voulait dire tout autre chose que l’assemblage des mots qui la composaient. Alors que tous avaient entendu :
« Ah non, ne commencez-pas, j’en ai ras-le-bol ! », chacun avait compris : « Vous me faites plaisir, mais je ne suis pas sûr de mériter tout ça ! » Il aurait pu ajouter : « La coupe est pleine ! », mais celle qu’il venait de déballer était ajourée de telle sorte qu’il était impossible d’y boire. Au moins avait-il échappé au calice et surtout à sa lie.
« Champion des Gaga Merci Coach Dan » déchiffra-t-il sur son socle. La sincérité de ce message se reflétait dans les yeux de toutes les filles qui l’entouraient, ce qui eut pour effet immédiat de lui rendre le sourire. L’heure s’y prêtant, tel le conteur au coin du feu d’antan, il se fendit même de quelques anecdotes qui firent le régal de l’assistance.
Le soleil lui-même voulut honorer de sa présence ce moment hors du temps. Desserrant enfin l’écharpe nuageuse qui tentait de l’étouffer depuis le matin, il embrasa bientôt de son souffle retrouvé la gigantesque baie vitrée, donnant à tous les visages une couleur purpurine du plus bel effet. En guise de digestif et pour que leur communion avec la nature vespérale soit totale, les jeunes femmes débouchèrent alors leurs meilleurs flacons. Leurs ongles affichèrent bientôt un camaïeu de rouge cher à leur coeur. Appliquant d’un même geste leurs mains, doigts écartés, sur le pourtour de la table, elle semblaient convoquer un esprit.
Celui de la Gassendiana ne se fit pas prier longtemps, tant il restait toujours proche d’elles. Il se trouvait aussi dans les bagages d’une dernière fournée de voyageurs. Comme une bûche jetée dans l’âtre de cette veillée, l’apparition de René, Agnès, Marie, Alice, Claude, Alexia, Laetitia et des deux Estelle fit fuser une gerbe d’étincelles joyeuses dans la pénombre du recueillement ambiant.
La journée avait été longue. Après l’excitation liée aux retrouvailles, chacun gagna sagement la chambre qui lui avait été attribuée. Seul Dan dérogea à son programme, décidant finalement de passer la nuit sous le balcon de Vérone.
Notre héros y verra-t-il apparaître Juliette ? Roméo en prendra-t-il ombrage ?
Vous le saurez sans doute dans le quatrième épisode de LA DER DE DAN .
A suivre…
Vite, vite la suite, la suite…
Que les mots sont beaux et vrais tu as du talent et quel plaisir de revivre ces moments merci de ce der de Dan qui nous met en haleine !!!!
quel gourmand ce Dan